Chaque année, des enfants et des adolescents arrivent en France sans maîtriser la langue ni les codes sociaux. Les enjeux sont importants en matière de participation et d’insertion, tant pour ces jeunes et leur famille que pour la société dans son ensemble. Ce projet de recherche entend analyser les manières dont ces jeunes et leur famille prennent part à / prennent place dans la société environnante. Comment s’opèrent les diverses dynamiques de participation socio-urbaine mais aussi scolaire de ces enfants et adolescents ?

Présentation

La recherche vise une analyse du rapport social qui se joue entre les enfants et les adolescent.e.s (de 6 à 16 ans) en situation de migration et les institutions participant à leur éducation et à leur socialisation : l’école, la famille, les espaces d’intervention sociale, culturels et religieux. Mise en œuvre par une équipe maîtrisant la pluridisciplinarité (sociologie, anthropologie, science politique, sciences de l’information et de la communication), la recherche veut comprendre les différentes formes de participation sociale et les différentes expériences institutionnelles en privilégiant une lecture des rapports sociaux émancipée de l’adultocentrisme. Il s’agit donc de placer les pratiques et points de vue enfantins au cœur de la démarche de recherche afin de saisir les subjectivités et les réflexivités qui se construisent dans des contextes de domination et d’altérisation multiples dans lesquels la question des justices spatiale et sociale se pose sans cesse.

La recherche sera menée sur des terrains parisiens (trois académies) et provinciaux (quatre académies) dans lesquels l’équipe dispose de solides réseaux de personnes ressources. Elle reposera sur un protocole qualitatif d’enquête permettant de répondre aux enjeux compréhensifs du sujet et aux préoccupations éthiques conditionnant la recherche liée à ce type d’objet. Dans ce cadre, l’utilisation de la sociologie visuelle répond à ces enjeux éthiques et méthodologiques, en plaçant les personnes rencontrées au cœur de la production de connaissance.

Chaque année, des enfants et des adolescents arrivent en France sans maîtriser la langue ni les codes sociaux. Les enjeux sont importants en matière de participation et d’insertion, tant pour ces jeunes et leur famille que pour la société dans son ensemble.
Ce projet de recherche entend analyser les manières dont ces jeunes et leur famille prennent part à / prennent place dans la société environnante.
Comment s’opèrent les diverses dynamiques de participation socio-urbaine mais aussi scolaire de ces enfants et adolescents ?

Nous considérons 3 espaces de socialisation :

  • L’école : en 2012-13, 45 300 élèves allophones ont été accueillis dans les premier et second degrés, soit 4,7‰ des effectifs scolaires, un nombre en augmentation par rapport aux années précédentes. Le film documentaire La Cour de Babel a illustré la façon dont ces jeunes peuvent être pris en charge dans des dispositifs adaptés mis en place par le ministère de l’Éducation nationale.
  • Les associations et structures d’intervention sociale, qui font souvent fonction d’espaces de médiation avec les institutions et la société.
  • Les associations des populations immigrées et itinérantes qui, bien que souvent dénoncées en France comme vecteurs de communautarisme, constituent des canaux de participation sociale et citoyenne.

En choisissant comme terrain de recherche les familles nouvellement immigrées et les familles itinérantes dont les modes d’inscription dans les espaces semblent parfois poser problème aux institutions publiques, il s’agit de proposer une perspective qui prenne en compte la place qui est faite à ces populations, les discriminations qu’elles rencontrent pour accéder aux droits sociaux et au marché du travail.

Méthodologie

L’objectif est de sortir d’une approche adultocentrée pour rendre compte du point de vue de l’enfant et du jeune, en nous interrogeant sur sa propre capacité d’initiative et d’autonomisation vis-à-vis des normes et des espaces de socialisation. Pour ce faire, nous nous appuyons sur une démarche qualitative mêlant méthodes traditionnelles et pratiques innovantes permettant de mettre au jour les subjectivités se dégageant de ces différentes expériences sociales.

Méthodes traditionnelles

Le travail de terrain débutera par des enquêtes de type ethnographique : observation et recueil de récits de vie auprès d’enfants et d’adolescents âgés de 6 à 16 ans. Des entretiens semi-directifs seront menés avec des professionnels intervenant auprès de différentes populations primo-migrantes et de populations roms et gens du voyage (acteurs de l’Éducation nationale, structures d’intervention sociale et/ou de médiation, associations militantes, fédérations de parents d’élèves), ainsi qu’auprès d’enfants, de jeunes et leurs familles.

Méthodes innovantes

  • Sociologie visuelle 
    Les enquêtés seront invités à produire des photos selon un protocole établi par les chercheurs. En référence à Howard Becker, l’image est considérée ici comme un outil de recherche dans la phase d’enquête : elle permet de « donner la parole » à des populations en marge ou stigmatisées ; elle favorise l’accès à des populations largement immergées dans une culture de l’image à l’instar des jeunes ; elle considère ainsi le point de vue des enquêtés.
  • Théâtre-forum 
    Des enquêtés seront invités à interpréter une ou plusieurs saynètes illustrant des situations d’oppression ou d’inégalités, dans la tradition du théâtre-forum mis au point dans les années 1960 par l’homme de théâtre brésilien Augusto Boal. Particulièrement adapté au traitement des problèmes de société, le théâtre-forum questionne, fait prendre conscience, explore plusieurs solutions et les confronte sans en imposer aucune. À ce titre, il constitue un support concret de réflexions et d'échanges indispensable à notre démarche de sociologie compréhensive.

Terrains

L’Éducation nationale dispose d’une grande diversité de dispositifs à l’égard des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (EANA, EFIV, CASNAV, CLIN, CLA, CRI, CLANSA…). Le morcèlement administratif rend difficiles les passerelles d’une académie à une autre et chaque expérience est singulière. De même, les associations et les structures d’intervention sociale sont plurielles dans leurs pratiques, en dépit de problématiques similaires.
Afin de tenter de dégager les grandes tendances, nous travaillons sur 5 terrains grâce à nos collaborateurs et partenaires :

  • Île-de-France
    Les académies de Versailles, Créteil et Paris sont celles qui ont accueilli le plus d’élèves allophones en 2012-13 (respectivement 5 450, 4 859 et 2 731). Le travail de terrain bénéficie de l’expertise de laboratoire reconnus comme l’UMR CRESPPA-CNRS et les EA Grhapes, SOPHIAPOL et LIRTES ; ainsi que sur des partenariats avec des acteurs locaux.
  • Bordeaux
    L’académie de Bordeaux a accueilli 1 596 élèves nouvellement arrivés en France à la rentrée 2012-13. Le travail de terrain bénéficie des compétences de chercheurs du Centre Émile Durkheim ainsi que des partenariats avec des acteurs associatifs.
  • Montpellier
    L’académie de Montpellier a accueilli 2 155 élèves nouvellement arrivés en France à la rentrée 2012-13. Le travail de terrain est mené conjointement avec le LERIS, laboratoire transdisciplinaire issue du courant de la sociologie critique et qui encourage la réflexion praxéologique en association avec des professionnels et des institutions.
  • Nice
    L’académie de Nice a accueilli 1 654 élèves nouvellement arrivés en France à la rentrée 2012-13. Le travail de terrain s’appuie sur les compétences de l’équipe niçoise de l’UMR URMIS-CNRS, spécialisée dans les recherches sur les migrations et les relations interethniques.
  • Strasbourg
    L’académie de Strasbourg a accueilli 1 554 élèves nouvellement arrivés en France à la rentrée 2012-13. Le travail de terrain s’appuie sur les compétences de plusieurs chercheurs spécialistes des questions migratoires et/ou religieuses, ainsi que d’un partenariat avec une association locale à destination des migrants et gens du voyage.

Mots clés

enfants migrants ou itinérants, école, institutions de socialisation, subjectivité, subjectivation, relations enfants-adultes, justice sociale, intersectionnalité

Responsables

Maïtena Armagnague, Claire Cossée, Michel Kokoreff, Isabelle Rigoni, Simona Tersigni

Contact INSHEA

Maïtena Armagnague

Isabelle Rigoni

Source de financement

Université Paris Lumières (UPL)

Partenaires

L'équipe

  • Île-de-France
    Maïtena Armagnague, sociologue, INSHEA, Grhapes
    Claire Cossée, sociologue, UPEC, LIRTES
    Michel Kokoreff, sociologue, Université Paris 8, CRESSPA
    Camille de Vulpillières, philosophe, Univ Paris-Ouest Nanterre, SOPHIAPOL
    Véronique Decker, directrice de l’école Marie Curie, Bobigny
    Andrea Caizzi, président de l’ASET 93
  • Bordeaux
    Isabelle Rigoni, sociologue, INSHEA, Grhapes & Centre Émile Durkheim
    Claire Schiff, sociologue, Université Bordeaux 2, Centre Émile Durkheim
    Alexandra Clavé-Mercier, ethnologue, Université Bordeaux 2, Centre Émile Durkheim
    Mathilde Lemaître, sociologue, Université Bordeaux 2
    Ramon Ortiz de Urbina, directeur du Centre d’animation Saint-Michel
  • Montpellier
    Marion Lièvre, ethnologue, Université Montpellier 3, CERCE
    Gaëlla Loiseau, coordinatrice du schéma départemental d'accueil des gens du voyage, LERIS
  • Nice
    Swanie Potot, sociologue, Université de Nice, URMIS
    Jean-Luc Primon, sociologue, Université de Nice, URMIS
  • Strasbourg
    Simona Tersigni, sociologue, Université Paris-Ouest Nanterre, SOPHIAPOL
    Marie Amalfitano, présidente de l’association Lupovino
  • Appui scientifique
    Alain Bouldoires, infocom, Université Bordeaux 3, MICA
    Éric Fassin, politiste, Université Paris 8
    Françoise Lorcerie, sociologue, IREMAM
    Emmanuelle Santelli, sociologue, Centre Max Weber
    Anne-Laure Zwilling, théologue, MISHA

Durée prévue

3 ans (septembre 2014 - août 2017)

Date d'acceptation

15 mai 2014

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